
Pour changer, je vous offre une interview des deux auteurs (les même que pour "les Voleurs d'empire") parue lors de la sortie du tome 1
Double Masque
- Après "Les voleurs d'Empires", vous embarquez pour une nouvelle aventure plus historique et policière, comment présenteriez-vous "Double Masque"?
Martin Jamar: C'est une série avec un personnage central que l'on retrouvera d'album en album et une histoire qui se situe au début du 19ème. Je dirais que ce sont des aventures policières parce que notre personnage n'est pas un policier mais plutôt un aventurier, un petit escroc qui a pas mal vécu. "La Torpille", le premier tome, raconte une mission qui a été confiée par le premier consul à celui qu'on appelle la Torpille, le personnage principal.
- Comment est née l'idée de cette série? Martin Jamar: L'idée, je dirais que c'est plutôt moi qui ai eu l'envie d'aborder cette période que j'avais déjà traité auparavant. C'est une époque qui est très peu utilisée en bande dessinée. Il existe très peu d'histoires où apparaît Napoléon.
- Que représente Napoléon Bonaparte pour vous? Jean Dufaux: C'est le personnage historique que j'ai toujours trouvé passionnant au même titre que Néron ou les doges de Venise par exemple. Ce sont des gens qui fédèrent une telle culture, un tel historique qu'ils sont même très dangereux à appréhender. On peut passer son temps à lire et devenir trop didactique ou pesant en parlant de gens comme Napoléon Bonaparte. Il était très clair pour moi qu'il fallait l'aborder de façon légère, par le côté, et pas de face et le prendre au moment où la légende ne s'était pas encore construite. C'est le Napoléon devant la légende qui m'intéressait, ainsi je pouvais l'accompagner lentement dans son parcours.
On voulait aussi raconter des histoires plus courtes et plus légères que pour "Les voleurs d'Empires" qui ont pris dix ans dans leur construction. C'est trop pour un lectorat qui est obligé d'attendre autant d'années pour connaître la fin. C'est peut-être le genre de récit que je n'aborderai plus.
On a choisi des récits plus courts en respectant également l'histoire. C'est un devoir de politesse de coller le plus près à la réalité. Dans "Double Masque", on découvre un Napoléon Bonaparte plutôt bon enfant et qui a pas mal de problèmes domestiques, ce genre de choses que l'on ne traite pas souvent en BD ou même au cinéma. Le cinéma américain nous montre un Napoléon toujours amoureux, un peu niais: c'était Marlon Brando amoureux de Jean Simmons dans "Desirée", ...
Soit on le traite de façon didactique, très lourde, soit de façon trop olé olé! Je trouvais qu'il y avait une voie entre les deux qui était intéressante.
- Quelle est la part de réalité et d'imaginaire dans l'histoire? Où prenez-vous vos références? Jean Dufaux: Cela, à la limite, on ne devrait pas le dire, c'est à vous de vous dire que tout est réalité, tout est imaginaire comme la vie de chacun. Sérieusement, les dates sont assez précises. Nous avons la chance tous les deux d'avoir un journal qui suit jour par jour la vie de Napoléon Bonaparte. Il est possible de savoir ce qu'il faisait quotidiennement. Après, quel que soit le personnage historique, quelle que soit l'histoire, il y a toujours des blancs. On a imaginé les blancs.
- Vous êtes réputé pour aimer les séries historiques. Ici, on a l'impression que vous prenez beaucoup de plaisir à construire les décors, l'architecture, les tenues vestimentaires de l'époque. Martin Jamar: C'est le travail du dessinateur de rassembler de la documentation, de faire des recoupements dans les informations qu'on trouve pour éviter d'éventuelles erreurs. C'est vraiment une partie intégrante de mon travail que j'aime bien.
- Des histoires contemporaines? Martin Jamar: Je me dis de temps en temps a contrario que j'aurais du mal à dessiner des villes modernes, des voitures. Je crois que je ne m'y sentirais pas très à l'aise!
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Si j'ai bien suivi, la série proposera des histoires en un ou deux volumes! Martin Jamar: Les tomes 1 et 2 forment un ensemble, le troisième sera indépendant. Mais, on retrouvera à chaque fois la Torpille, son entourage et tous les personnages qui apparaissent ici.
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Comme Napoléon? Jean Dufaux: Nous allons suivre l'ascension de Napoléon. Nous avons une histoire en deux volumes qui se passe en 1802. Le volume suivant sera en 1803, suivi de 1804 en un ou deux volumes, tout dépend de l'ampleur de l'histoire, 1805 et nous arriverons en 1815 si Dieu le veut. Les personnages vont vieillir et suivre à la fois l'histoire avec un grand H et la petite histoire qui s'attache au personnage de la Torpille.
Ce nom lui vient t'il du poisson? Jean Dufaux: Cela vient de l'argot des bagnards du début du 19ème siècle. C'est un nom que l'on retrouve dans Balzac, accolé à un personnage féminin, une prostituée qui frappait les gens. Dans Balzac, il y a toute une nomenclature des noms qu'est très intéressante. Ce que j'ai suivi ici. Tous les personnages ont quasiment un surnom: la fourmi, l'abeille, l'écureuil, la torpille...
- Vous titillez notre curiosité avec deux personnages mystérieux, l'abeille et la fourmi. Napoléon aurait-il un frère, un jumeau? Jean Dufaux: Comme Dumas a déjà fait le coup du frère avec ses trois mousquetaires et surtout Louis XIV et son frère jumeaux, le masque de fer, je vous dirai tout de suite que ce n'est pas son frère jumeau. Par contre, il y a une origine effective, très troublante, que l'on découvre ici au début de l'histoire. Il y a aussi un personnage extrêmement important qui va relier ce passé mystérieux et les événements contemporains, Fer Blanc. Il incarne le destin, vient de temps en temps appuyer ou freiner les événements et repart dans l'ombre.
- Le nom "Jean Dufaux" est synonyme de nombreux compliments (label de qualité, scénariste prolixe, aptitude innée du cadrage,...) pourtant tout comme Martin Jamar vous venez d'autres horizons? Est-ce-un plus... Jean Dufaux: Effectivement, c'est un pseudonyme que j'ai trouvé dans Balzac (rire).
Je ne parviens pas à appréhender un travail artistique sans passer par une culture générale. Je ne comprends même pas qu'on puisse le faire sans, je considère que tout ça c'est du cousinage et que dans la bande dessinée, il y a du cinéma, de l'opéra, du théâtre, par les dialogues, les décors, les costumes et un mouvement de caméra. Puis, la spécificité de la bande dessinée, une image fixe avec du texte figé, c'est un art à part entier, une interpénétration de tous les arts
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Vous n'auriez pas envie de voir d'autres horizons? Jean Dufaux: Si je pouvais dormir moins que 8 heures par soir, ce dont malheureusement j'ai besoin, on pourrait envisager beaucoup de choses! C'est vrai que je suis toujours passionné par l'écriture cinématographique, théâtrale ou romanesque, que Martin pourrait faire des tableaux ou des livres pour enfants. Nous aurons toujours plein d'envie, de choses que l'on voudrait faire et qu'on n'a pas eu le temps de faire, si tout se passe bien jusqu'à notre mort.
- Connaissez-vous déjà l'avenir de la série? Combien de tomes ont déjà leurs titres, une ébauche de scénario, l'avenir est-il flou ou déjà très clair? Jean Dufaux: C'est Saint-Hélène, le destin de Napoléon (rire).
Martin Jamar: On a l'embarras du choix, il n'y a rien de préétabli avant l'écriture.
Jean Dufaux: Il y a surabondance et donc c'est un problème de coupe. Là, je prépare une histoire en deux ou trois volumes, c'est le sacre de Napoléon. J'imagine tous les problèmes domestiques que peut engendrer une cérémonie pareille puis cela peut donner des idées à des gens de venir perturber cet événement. C'est une telle matière que Martin et moi avons besoin de documents, pas ceux que l'on trouve partout, mais ceux des arrières officines.